Au moment où le Rassemblement pour le Gabon (RPG) célèbre ses 25 ans, alors que son déclin s’accentue d’année en année, il est aisé de constater que sur la cinquantaine de formations politiques reconnues par le ministère de l’Intérieur, nombreux ont, en réalité, cessé d’exister.
5 février 2015. Le président de la République rencontre les membres de l’opposition : au second plan quelques leaders politiques fantomatiques. © DCP-Gabon
Le Cercle Oméga ? Très peu de Gabonais connaissent ce parti politique de l’opposition. Dirigé par Marcel Robert Tchoréré, cette formation politique n’a pas de siège, pas d’élus locaux, encore moins d’élus nationaux. En 2009, son leader s’était présenté à l’élection présidentielle, mais avait mené une campagne bien discrète, plutôt morne et sans reflet. Une campagne invisible, en réalité, à l’exemple de celle de Guy Kombény, cet autre candidat fantôme à la présidentielle de 2009. Le Cercle Oméga n’organise ni congrès, ni séminaire, ni meeting, ni conférence de presse, et ses hiérarques – en dehors du chef de parti – ne sont pas connus. On ne sait pas ce qu’il pense de la situation politique du pays, encore moins comment son dirigeant dessine les contours de son avenir. Il en est de même pour le Parti socialiste gabonais (PSG) d’Augustin Moussavou King, candidat à l’élection présidentielle de 2005. Ce parti qui va inexorablement vers une mort clinique, a pourtant connu une période de gloire, au tout début des années quatre vingt-dix. Il avait alors pour leader Jean-Pierre Bagnéna qui, on se rappelle, refusa un poste de Secrétaire d’Etat à l’Education nationale. Et il comptait parmi ses hiérarques Simon Mengome Atome et Léon Mbou Yembi.
A propos de Léon Mbou Yembi, son parti actuel, le Forum Africain pour le Renouveau (FAR), est lui aussi invisible depuis janvier 2012, après son échec aux élections législatives de décembre 2011. Le FAR a, semble-t-il, choisi de mettre en veilleuse son activité politique. Sa participation aux réunions et actions de l’Union des forces du changement (UFC) n’est plus évidente. La dernière fois que l’on a entendu parler de cet homme politique, c’est lorsqu’il était venu devant les caméras apporter, en septembre 2014, son soutien à Me Louis-Gaston Mayila, président de l’UPNR, alors empêtré dans une affaire de fabrication de fausse monnaie. Puis, plus rien. Le «vieux lutteur» septuagénaire est-il lessivé ? Vingt-cinq années de lutte politique ont-ils anéanti l’homme politique le plus connu du département de la Mougalaba ? Autre parti invisible de la scène politique, le Parti des républicains indépendants (PARI) d’Anaclet Bissiélo, Me Fabien Méré, Mesmin Soumaho et Servais Réténo Issembé. À dire vrai, ce «parti d’intellectuels» n’a jamais, de toute son existence, fonctionné comme une formation politique au sens strict du terme. Il s’est toujours comporté comme un think tank, un cercle de réflexion. Le Rassemblement des démocrates (RDD), quant à lui, est «mort» à la suite du décès de son fondateur, Christian Maroga.
Dans la majorité, l’Union socialiste gabonaise (USG) dirigée depuis deux ans par Guy Nang Bekalé, frère de l’un des fondateurs, Serge Mba Bekalé, répond aux abonnés absents depuis plusieurs années. Ce parti compte aujourd’hui très peu de militants, la plupart d’entre eux ayant rejoint l’Union nationale (UN) ou le Parti démocratique gabonais (PDG). C’est l’une des formations ayant connu la plus grande saignée. Les Marc-Louis Ropivia Rémanda, Marguerite Makaga Viriginius, Vincent Essone Mengue, David Foumane Mengue, Ossamané Onouviet… s’en sont allés, dès la fin des années quatre vingt-dix, vers d’autres partis. Le Front pour l’unité nationale et le développement utilitaire (FUNDU) de Noël Borobo Epembia, le Parti travailliste de Mburu Y’Djako, le Mouvement de redressement national (Morena Originel) de Molière Boutamba, les Forces démocratiques unies (FDU), le Parti national (PN) et surtout le Rassemblement des Gaulois de Max Anicet Koumba n’existent plus que dans les registres du ministère de l’Intérieur.
A cette quinzaine de partis politiques, on peut ajouter une douzaine d’autres sortis du «circuit», alors qu’une autre dizaine de mouvements ne vit que par leur adhésion aux groupements et rassemblements de partis, tels que la Majorité républicaine et sociale pour l’Emergence, le Front de l’opposition pour l’Alternance, l’Union des forces de l’alternance ou l’Union des forces du changement. La réalité est que seuls le PDG, l’Union nationale, le CLR, l’Adere avec ses deux tendances, l’UPG et ses quatre chapelles, le RPG, le PSD, le PDS, l’UPNR, le CDJ, le Morena de Luc Bengono Nsi, le RNB, le PGP, animent aujourd’hui la vie politique au Gabon.
Au final, sur la cinquantaine de formations politiques légales, les trois-cinquièmes ont en réalité cessé de fonctionner parce que «morts cliniquement», mais ceux-ci continuent de bénéficier de la subvention de l’Etat et leurs leaders de se radiner dès que le pouvoir entreprend de rencontrer la classe politique… l’espérance d’une cagnotte financière à se partager dans ces cas-là, ramène dans l’arène politique des acteurs disparus, comme la faim fait sortir le loup du bois.